photos prises en Grèce en 2015
par Yannis Behrakis
tu remplirais la mer de bateaux
de n'importe quel drapeau.
Tu voudrais que tous ensemble
par millions
ils fassent un pont
pour le faire passer.

Attentionné,
tu ne le laisserais jamais seul
tu ferais de l'ombre
pour que ses yeux ne brûlent pas,
tu le couvrirais
pour qu'il ne soit pas mouillé
par les éclaboussures d'eau salée.
Si c'était ton fils tu te jetterais à la mer,
tu tuerais le pêcheur qui ne prête pas sa barque, tu hurlerais
pour demander de l'aide,
tu taperais aux portes des gouvernements
pour revendiquer la vie.
tu détesterais le monde, tu détesterais les ports
pleins de ces bateaux immobiles.
Tu détesterais ceux qui les gardent inaccessibles et lointains
de ceux qui, en attendant, remplacent
les cris par l'eau de mer.
Si c'était ton fils, tu les appellerais
lâches inhumains, tu leur cracherais dessus.
Ils devraient t'arrêter, te garder, te bloquer
tu voudrais leur casser la gueule,
tous les noyer dans la même mer.
Mais sois tranquille, dans ta maison tiède
ce n'est pas ton fils, ce n'est pas ton fils.
Tu peux dormir tranquille
Et surtout serein.
Ce n'est pas ton fils.
Ce n'est qu'un fils de l'humanité perdue,
de l'humanité sale, qui ne fait pas de bruit.

Ce n'est pas ton fils, ce n'est pas ton fils.
Dors bien, bien sûr
ce n'est pas le tien.
Sergio Guttilla
29 juin 2018
Dédié aux 100 morts en mer, morts noyés
en attente d'un bateau qui les sauve.