mercredi 27 mars 2024

Les (ultimes) jérémiades de Rétif de la Bretonne in Conclusion où il n'est question que de l'Auteur, le 14 Messidor, an 8 (texte imprimé placé à la fin de la très rare cinquième édition du Pied de Fanchette ou le Soulier couleur de rose (Paris, chez Cordier et Legras, imprimeurs-libraires, An VIII). Notes personnelles ...


Page de titre de la troisième partie de la cinquième édition du
Pied de Fanchette. A Paris, chez Cordier et Legras, imprimeurs-libraires,
rue Galande, N°50, AN VIII (1800)

Voici les uniques notes personnelles ajoutées par Rétif de la Bretonne dans la troisième partie de la cinquième édition du Pied de Fanchette publié en l'an 8 (1800) chez Cordier et Legras, imprimeurs-libraires, rue Galande, n°50. Cette édition était très rare et il nous a semblé utile de reproduire ces jérémiades rétiviennes jusque là restées peu connues du public. En cette année 1800 Rétif de la Bretonne semble être plus que jamais dans une situation financière et morale difficile. Il fait état de ses problèmes dans ces trois notes. Il semble que ses accès paranoaïques soient à leur comble et qu'encore une fois tout se ligue contre lui, auteur méprisé et vieillissant. En 1800 Rétif de la Bretonne est âgé de 66 ans. Il mourra le 3 février 1806 au 16 rue de la Bûcherie à Paris, dans le plus grand dénuement. La première et longue note présentée ci-dessous, comme il est explicitement imprimé par Rétif de la Bretonne, sert de Conclusion à cette cinquième et ultime édition du Pied de Fanchette.


 

Conclusion où il n'est question que de l'Auteur, le 14 Messidor

an 8 (3 juillet 1800). (Il a composé cet Ouvrage en 1768.) (1)


Un rien, un accident prévu, porte dans l'âme la douleur et le découragement. Ce qui m'arrive aujourd'hui n'est rien : c'était un avantage non attendu : hier encore, je disais tranquillement : Il faut que j'use de ma carte d'entrée aux spectacles (2) ; je ne l'aurai peut-être pas long-temps .... Je la perds, et j'ai l'âme troublée !.... C'est qu'elle m'est retirée par un scélérat perfide, qui m'ayant enlevé mon occupation, achèvera de me faire perdre considération et appointemens. Infortuné vieillard ! fait pour la liberté, et qui ne peux vivre que dans l'esclavage ! ta timide défiance de toi-même, ton inactivité pour tout ce qui demande que tu te mettes en avant, te perdra ! Dans une foule, tu as toujours été le dernier : tu admirais l'audace ou l'adresse de ceux qu'on ne peut écarter, à la porte même des spectacles. Dans les sections, quand il y en avait, tu te tenais toujours à l'écart ! Jamais tu ne t'es présenté ! Les autres seuls t'ont porté ! Ce sont les autres qui ont apprécié tes ouvrages ; qui ont dit au monde que tu valais quelque chose. O mon pauvre Nicolas ! tu voudrais être encore plus âgé que tu ne l'es, pour te cacher dans le tombeau !.... Tu vas tout perdre ! Que deviendras-tu à-présent, sans secours, sans appointemens ? Vieillard infortuné ! tes ouvrages à publier (3) sont méprisés, avant d'être connus ! Que deviendras-tu tout-à-l"heure, puisque bientôt tu n'auras plus de faculté pour travailler ? Tu es perdu ! Le désespoir va te conduire au tombeau !.... Tu as des pressentimens toujours vrais : jamais ils ne t'ont trompé !.... Je suis perdu !.... Il existe une faction encore, semblable à celle qui agit contre moi à l'Institut national (4) ; faction obscure, invisible, et qui ne se fait sentir que par les coups assurés qu'elle porte .... Je suis au désespoir pour un rien ! pour l'enlèvement d'une carte ! D'où vient donc es-tu accâblé ? C'est que cet enlèvement est un indice assuré d'un discrédit complet, et du pouvoir de l'intrigant qui t'écrase !.... O pauvre Nicolas ! qui t'a donc adjoint à un Dauphinois (5) ! qui t'a malheureusement accouplé avec un scélérat ? C'est le sort barbare, qui t'as toujours poursuivi ! L'intrigant M*** (6), qui dura si peu après toi, a suffisamment duré pour faire cet amalgame infame de l'intrigue avec la simplicité timide, plutôt que de l'incapacité !.... Sans le public, te serais-tu douté, hélas ! que tu avais du mérite !....

(Deux ans après.(7)

Ce péril est passé comme un songe. Un ami m'a sauvé (8). Mais à ce premier péril en succède un autre aujourd'hui. Je suis sans appui (9). Qui me sauvera ? Un intrigant d'une espèce nouvelle m'attaque, et porte contre moi une accusation enfantine (10) ; mais toute inculpation est dangereuse, lorsqu'on est sans appui ! Echapperai-je à ce nouveau danger ? Je l'ignore. Il ne suffit pas de s'observer ; la calomnie sait qu'elle ment. Aussi l'on n'a pas avec elle la ressource de ne plus tomber en faute : aussi est-elle désespérante. C'est le cas où se trouve aujourd'hui, à 67 ans, moi, le vieillard Nicolas, chargé de quatre petits-enfans !.... Je fais ici cette quérimonie, pour soulager ma douleur en l'exprimant.

Vous que les ouvrages d'un Auteur amusent, sachez qu'il ressemble à l'esclave nègre, qui va fabriquer le sucre en souffrant les coups, en supportant les travaux, en s'abreuvant de douleur !....


(1) Cette note est placée à la fin de la troisième partie. Le Pied de Fanchette a paru pour la première fois en 1769.

(2) Rétif de la Bretonne adorait assister aux spectacles et ce depuis sa venue à Paris dans sa jeunesse d'auteur en devenir.

(3) Rétif publiera encore plusieurs ouvrages : les Nouvelles contemporaines, ou Histoires de quelques femmes du jour (en 1802) ; Les Posthumes, lettres reçues après la mort du mari, par sa femme qui le croit à Florence, par feu Cazotte (en 1802)

(4) L'Institut national ne veut pas de Rétif de la Bretonne. En 1796, Louis-Sébastien Mercier tente de le faire admettre dans la section littérature de l'Institut national. Mais sa proposition échoue, en dépit du soutien de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, au prétexte qu'il « a du génie, mais il n'a pas de goût », selon le président de séance. Sur les instances de Mercier, il adresse alors une lettre au directeur Carnot. En réponse, trois des cinq directeurs, Carnot, Reubell et Barras signent le 23 vendémiaire (14 octobre) un arrêté lui allouant, à défaut des 1 500 livres d'indemnité des membres de l'Institut, une aide de cinq livres de pain par jour. Rétif gardera de cet échec une rancune tenace envers Mercier et l'institution.

(5) Qui était ce Dauphinois scélérat ?

(6) Qui était l'intrigant M*** ?

(7) Il doit s'agir ici d'une coquille et il faut lire Deux mois après et non Deux ans après.

(8) Quel est cet ami qui l'a sauvé ?

(9) Rétif a perdu ses appuis. Quels étaient-ils alors ? En 1797, il participe à un concours ouvert par l’assemblée administrative de l’Allier et se voit nommer au poste de professeur d’histoire à l’école centrale de Moulins le 14 floréal an VI. Mais, ayant obtenu le 20 avril 1798, grâce à Fanny de Beauharnais, un poste de premier sous-chef à la deuxième section de la deuxième direction, « traducteur de langue espagnole », au ministère de la Police générale, section des lettres interceptées, c'est-à-dire le Cabinet noir, rémunéré 333,68 francs par mois et 4 000 francs par an, il reste à Paris. Toutefois, sous le Consulat, son service est supprimé, et il perd son emploi le 24 prairial an X, même s’il touche son traitement jusqu’au 12 août. Privé alors de ressources, il obtient le secours de Fanny de Beauharnais, qui tente de lui trouver une nouvelle place – elle écrit au préfet de Charente-Maritime. Le 2 juillet, les Posthumes et quelques feuilles imprimées de L'Enclos des oiseaux sont saisis chez lui ; les Posthumes n'en sont pas moins publiées quelque temps plus tard, probablement grâce à Fanny de Beauharnais. La même année paraissent les Nouvelles Contemporaines. Aidé jusqu'au bout par Fanny de Beauharnais, il sollicite à plusieurs reprises des secours officiels. Après une première demande en décembre 1802, il sollicite, le 8 mars 1803, une pension littéraire à Chaptal, ministre de l'Intérieur. Le 3 novembre suivant, il écrit au ministre de la Justice, Claude Ambroise Régnier : « Il fait froid et je n'ai pas de quoi me chauffer. » On ne lui accorde, le 22 décembre, qu'un secours de 50 francs, qu'il ne reçoit d'ailleurs que le 28 février 1804. Après une nouvelle demande de secours à l'attention de Louis Bonaparte, au début de 1805, il meurt dans la misère le 3 février 1806, au 16 rue de la Bûcherie à Paris, au terme d'une maladie qui, selon Michel de Cubières, ne lui permettait plus de marcher ni de tenir une plume. Ses restes sont inhumés le 5 février au cimetière de Sainte-Catherine.

(10) De quelle accusation s'agit-il ?


Nous donnons à la suite les deux autres notes "personnelles" présentes dans la troisième partie de cette cinquième édition du Pied de Fanchette (an 8, 1800) :

(51) P. 6. O Constance ! Tu suffirais seule pour le bonheur des Humains ! Pourquoi n'es-tu pas fille de la nature ?... Mais que dis-je ! la constance est la vertu des dieux : mortel ! elle peut te rapprocher de la divinité : conçois quel est son prix !

(58) P. 45. L'auteur n'a certainement pas à se plaindre de ce qu'on prend des sujets de pièces dans ses ouvrages : c'est une preuve de leur mérite : mais n'a-t-il pas le droit de se condouloir, de ce que des faquins, comme Laya, qui a pris son sujet dans les Fautes son personnelles ; de ce que Flins, qui a pris celui de sa meilleure pièce dans son Epiménide Grec ; de ce que Lachabeaussière, qui a puisé les Maris corrigés dans le II Partie de la Femme dans les trois Etats, roman qu'on va réimprimer en 3eme édition ; de ce que l'Auteur de la Madelon des Variétés-Montansier ; de ce que le jeune-homme dont on a donné hier 14 Messidor an 8 (3 juillet 1800), la Zoé, n'ont pas même eu la politesse de lui envoyer un billet de parterre ? C'est une monstruosité en morale, qui devient un plagiat, par l'affectation de se cacher. O tempore ! ô mores ! Et les jaloux qui se sont opposés à mon admission à l'Institut ne sont-ils pas servis à leur gré par ces plagiaires ?... On avait pris autrefois le sujet d'une pièce intitulée Julie, qui, je crois, est de Marin-Qu'es a quo, ancien secrétaire de la Labrairie, dans sa pauvre Ecole de la Jeunesse. Il ne réclama pas alors. Marin-Qu'es a quo, D'Hémeri, le commis Demaroles ; tous ces gens-là étaient en possession de voler ; ils y étaient autorisés. Mais aujourd'hui l'Auteur se plaint de tous les malhonnêtes-gens, même de ceux de l'Institut, auquel il a cinquante fois plus de droit que ceux qui l'en ont exclu. Ce qui est bien fait pour le dédommager de cette injustice, c'est la preuve qu'il peut donner que presque tout ce qu'il y a de gens de mérite en Europe l'appréciaent mieux que n'ont fait ces messieurs. Il a reçu plus de 60 lettres de tous les pays où ses ouvrages ont pénétré, adressées au Citoyen RESTIF-LABRETONE, membre de l'Institut national. Et certes, ce témoignage d'estime que reçoit ainsi l'Auteur, fait plus d'honneur à l'Institut, qu'il n'est lui-même dans le cas de lui en rendre.

Une autre note placée au bas de la page 45 de la troisième partie renvoie à la note 58, la voici :

(*) On a fait une pièce du Pied de Fanchette, aux Variétés Montansier. J'en ai vu hier (14 Messidor, an 8), une autre au théâtre Favart, tirée de mon histoire de Zoé, ou l'Orpheline bourgeoise, sous le titre de Zoé, ou la pauvre Petite (58) : et pas un de ces Messieurs ne m'envoie un billet de parterre !..... Quelle ingratitude !

Nous donnons ci-dessous quelques reproductions des titres et gravures qui ornent cette édition rare.




L'exemplaire que nous possédons actuellement a été relié sur brochure. Il se présente habillé d'une demi-reliure à petits coins, maroquin vert sombre avec grecque dorée encadrant les plats. Cet exemplaire a été vendu en 1959 (Drouot, Paris, Giraud-Badin) et est présenté comme suit : "Exemplaire relié sur brochure, avec les figures avant la lettre, dans une jolie imitation de reliure ancienne." Nous donnons ci-dessous quelques photographies de cet exemplaire. S'il s'agit d'une imitation de reliure époque Empire, et il nous est très difficile d'être affirmatif, cette imitation est parfaite et n'a pu être effectuée qu'au plus tard dans le dernier quart du XIXe siècle (ca 1875-1880).




Photographies Bertrand Hugonnard-Roche | Librairie L'amour qui bouquine | mars 2024

Publié par Bertrand Hugonnard-Roche,

le 27 mars 2024

lundi 18 mars 2024

Les bouquinistes et les bouquineurs pris sur le vif. Photographie sur plaque de verre (négatif positivé numériquement). Vers 1935-1940 ?

 


Un étal de bouquiniste (marchand d'estampes) sur les quais de la Seine à Paris, vers 1935-1940

Plaque de verre négative positivé numériquement

Coll. privée. Source internet. Consulté le 18 mars 2024.

lundi 18 décembre 2023

Connaissance de la bibliophilie et de la librairie ancienne par la carte postale ancienne : Librairie Emile Nourry, 62, Rue des Ecoles, Paris. 27 avril 1926. "Monsieur, j'ai le regret de vous informer que les ouvrages que vous aviez bien voulu choisir sur mon catalogue étaient vendus avant la réception de votre demande [...]"

Bonjour à tous,

la bibliophilie est fait de petits rien, ce petit billet en est la preuve. Une simple carte postale ancienne envoyée par un libraire ... à son client bibliophile.

Cette carte postale est intéressante néanmoins à plus d'un titre et j'ai pensé que vous seriez heureux d'en avoir copie archivée ici sur la page du Bibliomane moderne.


Le recto montre en photographie en noir et blanc la façade de la librairie E. NOURRY avec devant la porte très certainement Emile Nourry lui-même, une femme (la sienne ?), un commis et un peu plus sur la droite un homme portant une casquette (sans doute également lié à la librairie E. NOURRY). Ce recto est légendé imprimé comme suit : PARIS - Rue des Ecoles (près le Boulevard Saint-Michel)


Le verso porte le cachet en date du 27 avril 1926. En haut à gauche un tampon à l'encre violette donnant l'adresse de la librairie : LIBRAIRIE E. NOURRY 62, Rue des Ecoles, R. C. Seine 334-433 Paris Ve. A droite un autre cachet à l'encre noire : CHEQUES POSTAUX DEMANDEZ L'OUVERTURE D'UN COMPTE COURANT [cachet d'affranchissement postal]. Le verso est divisé en deux volets. A gauche est imprimé un texte de correspondance comme suit :

Monsieur,

J'ai le regret de vous informer que les Ouvrages que vous aviez bien voulu choisir sur mon Catalogue étaient vendus avant la réception de votre demande.

Nous serons, je l'espère, plus heureux une autre fois.

Veuillez agréer, Monsieur, mes bien sincères salutations.

Emile NOURRY,
62, Rue des Ecoles.

à droite a été rédigé, de la main du libraire E. NOURRY ou bien de celle d'un de ses commis, l'adresse du malheureux bibliophile, comme suit :

Monsieur Descelers
13 rue de Dunkerque
Saint-Omer
(Pas-de-Calais)

Cette carte a été affranchie au verso d'un timbre "Semeuse" de 20 centimes.

Voilà, c'est à peu près tout ce que je peux dire en regardant cette jolie carte postale de librairie ancienne. La Librairie Emile Nourry est assez connue pour ne pas revenir sur cette instution parisienne qui proposait de très belles éditions anciennes. Notre ami Jean-Paul Fontaine a fait tout le travail sur l'historique de cette illustre maison sur son blog Histoire de la Bibliophilie. Voici le lien pour lire son étude ICI.

L'information que nous avons en plus ici est qu'il avait pour client un certain Monsieur Descelers qui habitait 13 rue de Dunkerque à Saint-Omer dans le Pas-de-Calais. Nous avons retrouvé la trace de cette famille Descelers à Saint-Omer. Il nous manque le prénom de ce monsieur pour pouvoir le retrouver en toute certitude.

A noter que la carte postale que le libraire E. NOURRY envoyait à ses clients en guise d'excuse d'indisponibilité des ouvrages commandés était exclusivement imprimée en réponse à des Messieurs. Les dames bibliophiles existaient pourtant probablement ... existai-il des cartes spécifiquement imprimées pour les clientes de la librairies ? Il faudra en rencontrer une pour le savoir ...

A bientôt

Bertrand Hugonnard-Roche
Le Bibliomane moderne (*)


(*) ce billet est également publié sur la page le Bibliomane moderne
sur notre site de Librairie L'amour qui bouquine

lundi 4 décembre 2023

Illustration remarquable Art Déco. Une suite complète de 25 eaux-fortes (pointes sèches) rehaussées en couleurs au pinceau pour le centenaire de la parution de l'édition René Kieffer des Bijoux indiscrets de Diderot (achevé d'imprimer le 30 mars 1923).



Le 30 mars 1923, il y a tout juste un peu plus d'un siècle, s'achève l'impression, chez Coulouma à Argenteuil (H. Barthélemy, directeur), des Bijoux indiscrets de Diderot dans une superbe édition commanditée par l'éditeur-relieur d'art René Kieffer installé au 18 rue Séguier à Paris.

Cette jolie édition au tirage limité à 600 exemplaires est richement illustrée de 25 eaux-fortes coloriées au pinceau de Sylvain Sauvage. De format in-4 (27 x 20,5 cm), le tirage se décline ainsi :

50 exemplaires avec 4 états des planches dont l'eau-forte pure et une aquarelle originale, numérotés de 1 à 50.

35 exemplaires avec 3 états des eaux-fortes, numérotés de 51 à 85.

15 exemplaires avec 2 états des eaux-fortes, numérotés de 86 à 100.

500 exemplaires avec l'eau-forte coloriée, numérotés de 101 à 600.



Il est intéressant de noter qu'il n'est pas fait mention du papier utilisé pour chaque tirage. On supposera qu'il s'agit du même papier pour tous les exemplaires. L'exemplaire du tirage à 500 que nous avons sous les yeux est imprimé sur beau papier filigrané "(P. F. B.) Editions René Kieffer". C'est un papier vélin de cuve (sans vergeures ni pontuseaux), fait main donc, qui ressemble à un papier type Madagascar. Les gravures sont tirées sur ce même papier légèrement teinté. Dans notre exemplaire c'est un papier qui est resté sans rousseurs et qui a très bien vieilli. D'après nos recherches ce filigrane P. F. B. indique un papier sorti des papeteries Barjon Moirans. Moirans est un petit bourg situé en Isère non loin de Rives, aussi connu pour ses papeteries, ici Papeteries Barjon de Moirans (P. F. B.).

Pour la petite histoire de cette papeterie qui produisait, nous en avons ici la preuve, un papier de très grande qualité, disons en quelques mots que c'était la famille Michon du Marais qui était propriétaire de cette papeterie à Moirans qui s'appelait désormais Barjon. Ils étaient héritiers d’un moulin en activité depuis le XVIe siècle. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Papeteries Barjon ont fourni du papier à la résistance. Les papeteries Barjon cessèrent leur activité en 1977. Elles employaient 200 salariés en 1970. On sait donc que cette papeterie de l'Isère fabriquait du papier de luxe spécialement pour d'éditeur et relieur parisien René Kieffer.



Mais ce qui nous intéresse avant tout ici ce sont les 25 compositions de Sylvain Sauvage pour cette belle édition des Bijoux indiscrets. 

Cette édition et la suite qui l'ornemente ont toutes deux aujourd'hui dépassé l'âge vénérable de cent ans ! Cela valait bien le temps de prendre la peine de numériser l'intégralité de cette suite qui illustre avec humour et talent un des textes libertins majeurs de Denis Diderot (publié pour la première fois en 1748 de manière clandestine comme toutes les éditions anciennes d'ailleurs).

Un résumé des Bijoux indiscrets permettra à lecteur de ce billet de mieux appréhender la qualité des illustrations. Sylvain Sauvage (1888-1948) signe ici encore une fois un travail puissant et spirituel. Sylvain Sauvage fut l'un des Grands Maîtres du trait Art Déco.

Cette allégorie, qui est la première œuvre romanesque de Diderot, dépeint Louis XV sous les traits du sultan Mangogul du Congo qui reçoit du génie Cucufa un anneau magique qui possède le pouvoir de faire parler les vulves (« bijoux ») des femmes. Mangogul essaie trente fois la bague, dévoilant les secrets intimes des femmes de sa cour et de son royaume, généralement pendant leur sommeil. Il partage les résultats de ses enquêtes avec sa favorite, Mirzoza, qui est elle-même perpétuellement inquiète d'être la victime de la bague. Il faut dire que peu sont épargnées : essentiellement les femmes de la cour, avec leurs différents caractères (la prude, la coquette, la joueuse, la manipulatrice...), leurs différentes extractions (de la haute noblesse à la petite bourgeoise) et leurs origines diverses (l'Anglaise, la Française, l'Italienne, la Turque). Décrivant les mœurs de la cour du point de vue du désir féminin, le roman dresse le tableau d'une société libérée, où l'on multiplie les partenaires sexuels, où les apparences sont trompeuses et où la véritable tendresse est rare. Les entretiens de Mangogul, de sa favorite et de quelques personnages, sont parfois racontés sous forme de bilan sur les différentes formes d'amour, quelquefois sans rapport avec l'intrigue. Une place est également réservée aux débats d'idées au sein de la société française de l'époque : éloge de Voltaire, histoire des mathématiques, sort des jansénistes, etc. C'est aussi une satire du règne de Louis XV et de ses frasques libertines.

Bonne visite !



























Bertrand Hugonnard-Roche,
Bibliomane moderne

Mis en ligne le lundi 4 décembre 2023

mercredi 11 octobre 2023

Pierre Lebrun (1785-1873) ou le romantisme académique. Exposition bibliothèques Mazarine & de l'Institut (23 Quai de Conti 75006 PARIS). Du 27 septembre au 25 novembre 2023.

Bonjour à vous.

Nous avons le plaisir de vous annoncer que les bibliothèques Mazarine & de l'Institut présentent actuellement une exposition intitulée "Pierre Lebrun (1785-1873) ou le romantisme académique" et vous prions de trouver ci-joint le dossier de presse la concernant.

 

En vous remerciant par avance de la communication que vous pourrez assurer autour de cette exposition, et restant à votre disposition pour toute question.

 

Bien cordialement,



Mélanie Pereira

Bibliothèques Mazarine & de l'Institut

Assistante du directeur


+ 33 1 44 41 44 66

melanie.pereira@bibliotheque-mazarine.fr

23, Quai de Conti 75006 Paris

www.bibliotheque-mazarine.fr

www.bibliotheque-institutdefrance.fr/


Voici le dossier de presse :


La suite du dossier de presse est à télécharger ICI

Bonne visite,

Bertrand Hugonnard-Roche
Le Bibliomane moderne

jeudi 1 juin 2023

De la Responsabilité des commissaires-priseurs et de leurs experts vis-à-vis des acheteurs, par Cosmo le chien de l'espace.

Notre article reprend en partie l'article du site Mr Expert qui est très bien fait sur le sujet et auquel on peut se reporter aussi.

Le but n'est pas de pointer du doigt les commissaires-priseurs en tant que tels. Pour faire une phrase bateau : il y a de tout, des gens bien et des requins, des honnêtes et des escrocs. 

Le but de cet article est de donner un peu de contenu juridique à nos lecteurs afin de bien comprendre où est la responsabilité en cas d'erreur, afin de savoir quand et comment faire entrer la responsabilité du commissaire-priseur en cas de litige. Il est rédigé par un habitué des salles des ventes, en tant qu'acheteur, vendeur et même collaborateur. 

Il est régulier que les salles des ventes, en particulier en l'absence d'expert mais souvent aussi en présence d'expert, fassent des erreurs, souvent dans les deux sens (mais parfois aussi toujours dans le même sens chez certains...).

Ainsi combien de lecteurs pourraient nous dire : « J’ai trouvé ceci dans le lot, ce n'était même pas décrit ». Par exemple, les lecteurs de ce blog étant surtout intéressés par le livre, combien de lecteurs pourraient dire : « j'ai acheté ce livre, la fiche n'indiquait pas la suite des gravures »... Evidemment, aucun n'ira faire une réclamation. La salle des ventes est responsable, tant pis pour eux et pour le vendeur (le vendeur pourrait toutefois se retourner contre la salle dans certains cas mais c'est un autre problème qu'un autre article pourrait éventuellement étudier).

De la même manière, combien de lecteurs pourraient prendre l'exemple de livres ou documents mal décrits, donnant lieu à des litiges ? Certainement autant... 

Notons que j'utiliserai indifféremment « salle des ventes » et « commissaire-priseur » pour parler de cet interlocuteur. 

Abordons donc l'aspect juridique :

Un achat en salle des ventes relève tout d'abord de l'exécution d'un contrat :

Comme dans tout contrat, la responsabilité de chaque individu peut être engagé. Cela vaut d'ailleurs aussi pour les libraires. Il y a deux type de manquements : 

Ainsi une erreur dans la description relève-t-elle de l'exécution du contrat puisque les obligations du commissaire-priseur portent sur l'organisation des ventes et la description des objets proposés. Notons qu'en présence d'un expert, la responsabilité est partagée par l'expert ET le commissaire-priseur, tout le monde devant avoir souscrit une assurance professionnelle. Toutefois, l'interlocuteur de l'acheteur est uniquement le commissaire-priseur (qui lui se retournera contre son expert). 


Délai légal (prescription) :

Autrefois de 10 ans, ce délai est rapporté à 5 ans depuis 2011 (article L.321-17 du Code du commerce). Quelle que soit l'action que l'acheteur voudrait intenter contre le commissaire-priseur, il a donc 5 ans à partir de l'adjudication pour poursuivre la salle des ventes (à défaut d'accord à l'amiable, la meilleure solution dans tous les cas).

Une phrase de cet article du Code de commerce est à garder en mémoire : 

« Les clauses qui visent à écarter ou à limiter leur responsabilité sont interdites et réputées non écrites ».

Cet article est très important car bien souvent les salles des ventes, pour décourager les tentatives de règlement à l'amiable ou de poursuite vous rétorquent des arguments du genre : 
  • les lots devaient être consultés avant la vente.
  • le lot a été donné à un professionnel.
  • le lot a été vérifié quand il a été donné.
  • la personne ayant récupéré le lot a signé un bon de décharge. 
  • cela fait six mois/ un an/ deux ans/ etc. (mais moins de cinq ans !).
  • le vendeur a déjà été payé et son dossier est clos.
  • etc.
Cette liste est non exhaustive mais donne déjà une idée de ce que peut vous dire la salle des ventes. Tout cela est nul à partir du moment où votre bordereau ne concorde pas avec l'objet. Il ne faut jamais se laisser impressionner par leurs arguments. 

Attention toutefois, dans le domaine du livre par exemple, aux ventes non collationnées clairement estampillées qui se développent. Il est ici plus difficile de contredire la salle des ventes.

Notons l'argument fallacieux par excellence : le vendeur a déjà été payé et son dossier est clos.
Peu importe ! Si le vendeur est payé, la salle des ventes ne pourra pas en profiter pour récupérer la somme auprès du vendeur et annuler totalement la vente. A partir du moment où le vendeur est payé, la salle des ventes (et son éventuel expert) sera seule responsable et devra assumer son erreur (sauf dans le cas où le vendeur aura volontairement voulu tromper, ce que j'ai déjà vu plusieurs fois).

Cela me permet d'ailleurs de vous signaler le corollaire : vous avez vendu un objet en salle des ventes (sans tromperie), vous avez été payé. L'affaire est définitivement réglée pour vous. Si la salle des ventes essaye que vous leur rendiez l'argent en raison d'une erreur, il faudra toujours refuser, ce n'est pas à vous d'être responsable de leur erreur.

Que faire en cas de refus de la salle des ventes ?

Avant de partir en justice, il convient de saisir le Conseil des ventes via la page dédiée aux réclamations. Normalement cela suffit. 

Quelques remarques :

Comme me l'a récemment dit un commissaire-priseur que j'estime particulièrement pour sa droiture, une salle des ventes qui refuserait un remboursement alors qu'il y a non concordance entre l'objet et le bordereau est forcement malhonnête et ne peut que perdre devant le Conseil des ventes.

A titre personnel, j'estime qu'en cas d'erreur de la salle des ventes (et de son expert), c'est à eux de prendre en charge les frais occasionnés par le contrat non rempli. Bien souvent, l'acheteur fait revenir à ses frais l'objet et n'est remboursé ni des frais d'envoi ni des frais de retour. 

Six mois, un an ou plus (mais moins de cinq ans toujours), c'est long pour se rendre compte d'un problème, certes, mais malheureusement pour les salles des ventes : dura lex sed lex. Il faut savoir assumer ses erreurs quand le client est dans son droit.

Signé Cosmo,



jeudi 16 février 2023

Avis de recherche posthume : Roseline Bertrand, illustratrice. Qui était-elle ? Une inconnue qui avait du talent ? Un pseudonyme ?

Roseline Bertrand, illustratrice. Inconnue au bataillon des artistes de l'époque de l'entre-deux guerres ... Il semblerait que cette illustratrice ne soit connue que pour avoir imagé un seul ouvrage, à savoir : TRENTE-DEUX POEMES D'AMOUR, recueillis par Paul Reboux et illustrés par Rosine Bertrand (et Paul-Emile Bécat -suite tirée à part), Le Livre Précieux, Paris, s.d. (Marcel Lubineau, 1937). Rien d'autre ? Qui était-elle ? (à supposer qu'il s'agit de son véritable nom)? Nous n'en savons rien et n'avons rien trouvé sur elle.

Si vous trouvez quelque information à son sujet n'hésitez pas à nous écrire à contact@lamourquibouquine.com

Voici une suite des illustrations données sous le nom de Roseline Bertrand. La seconde image est un dessin original signé de son nom.

A bientôt

Bertrand, Bibliomane moderne

















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