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Eugenio Montale*, philosophe du Tout et de son contraire

Michel Cassac

Notes de la rédaction

Montale* est un grand poète italien qui a acquis la célébrité au sein même de l’institution littéraire, puisqu’il a reçu le prix Nobel de littérature. Entre 1926 et 1982, il a publié huit recueils de poésies, dont un recueil posthume qui a l’odeur du scandale et en tout cas les effets puisque son authenticité est l’objet de vives contestations. Montale est l’un des poètes le plus étudiés par la critique. On peut en lire les traductions françaises de Patrice Angélini éditées chez Gallimard.

Texte intégral

Il linguaggio,

sia il nulla o non lo sia,

ha le sue astuzie**.

1** « La lingua di Dio », Diario del ’71 e del’72, [Le langage, / néant ou pas / a ses astuces].

21/ Dès son premier recueil, Ossi di seppia, la parole poétique de Montale s’organise en discours. Le poète qui se définira avec humour dans Satura, « entomologo-ecologo di me stesso1 » [entomologue-écologiste de moi-même] se donne dans son premier recueil, l’apparence d’un pêcheur à la ligne qui : « Guarda il mondo del fondo che si profila / come sformato da una lente2 », [Il regarde le monde au fond de l’eau qui se profile comme s’il était déformé par une loupe], revisitant ainsi à sa manière le mythe platonicien de la caverne.

3Répondant à la sollicitation de son intuition, l’engagement poétique de Montale donnera dès l’abord à la soif de connaissance3, située entre expérience et raison, la force d’un absolu qui s’investit dans une mythologie poétique et métaphysique. Ainsi, « Il fantasma che ti salva4 » [Le fantôme qui te sauve], dès l’incipit de sa première poésie le jette-t-il à la recherche des signes qui lui font ambitionner la révélation d’une vérité qui donnerait la clef du réel5.

42/ « Gloria del disteso mezzogiorno6 » [gloire du midi étale] chante le poète dans son premier recueil, mais ce livre qui rayonne de ferveur et d’harmonies solaires, n’en est pas moins transpercé par des cris de douleur et d’angoisse : « Ah Crisalide, come è amara questa / tortura senza nome che ci volve / e ci porta lontani- e poi non restano / neppure le nostre orme sulla polvere7 », [Ah, chrysalide, comme est amère cette / torture sans nom qui nous roule / et nous entraîne au loin – ensuite ne restent / même plus nos traces dans la poussière]. Poésie faite d’intuitions et d’interrogations inquiètes, de moments d’ombres et de lumière : « in questa valle / non è vicenda di buio e di luce8 » [Dans cette vallée tout n’est qu’alternance d’ombre et de lumière], les instants de solarité, les « trombe d’oro della solarità9 » [Les trompettes d’or de la solarité] qui déversent leur flot de bonheur, se dérobent à l’envi, laissant le poète dans une attente jamais satisfaite. Cela fait que la ferveur est à l’enseigne de l’incantation qui infiltre la langue secrète de la poésie et agit par le charme en créant l’attente : « Portami il girasole che io lo trapianti nel mio giardino bruciato dal salino10 » [Apporte moi le tournesol que je le transplante dans mon terrain brûlé par l’air salin] et c’est sans doute pour cela que ses regards et ses espoirs se portent répétitivement vers un : « più in là11 » [plus loin], « di là dall’erto muro12 », [au delà de ce mur raide], vers tout ce qui peut compléter la nostalgie de l’être où retourne invariablement sa mémoire. Ce premier recueil, selon le mot de G. Contini est : « un inventario di non essere » [un inventaire de non être]. Cependant, la poésie parvenue à ce stade d’incertitude possède encore « une vague esquisse de l’objet de sa vision13 ». Cela fait de la négativité des Ossi di seppia celle d’un homme encore installé dans son monde et qui tantôt s’interroge : « Mondo che dorme o mondo che si gloria / d’immutata esistenza, chi può dire14 ? » [Monde qui dort ou qui se glorifie d’existence inchangée, qui peut le dire ?], et tantôt refuse sa condition. C’est alors la psalmodie des conditionnels, des « Avrei voluto » [J’aurais voulu], qui laissent le questionnement en l’état, mais ne ferment pas la porte.

5 3/ Les deux recueils qui suivent, n’éclairent pas davantage la lanterne du poète, même si la mémoire cherche à récupérer le temps et les absences. La poésie programmatique de Le Occasioni constate : « La vita che da barlumi / è quella che sola tu scorgi. / A lei ti sporgi da questa / finestra che non s’illumina » [La vie qui émet des lueurs est la seule que toi tu perçois./ Vers elle tu te penches à cette fenêtre qui ne s’éclaire pas] : dans La Bufera, le cataclysme universel de la guerre est troué de lueurs d’espoirs qu’éclairent épisodiquement les visages de femmes. De la présence du visage de l’autre, il ne reste toutefois qu’une absence de traits, quelques signes, des objets fétiches : « Anche una piuma che vola può disegnare / la tua figura15 » [Même une plume qui vole peut dessiner / ta silhouette]. Mais le dépassement de l’image de l’autre fait de l’absence l’expérience qui fonde la transcendance, nous ramenant à la vision pyramidale du premier recueil, mais sous un autre timbre. De « Clizia » à « Iride » le parcours est celui de la sublimation du rapport amoureux qui conduit de « eros » à « caritas16 », puisque « Iride » est désignée par Montale comme la « Critofora », la « portatrice di Cristo » [Christophore : porteuse de Christ].

6 4/ Une autre veine d’inspiration, la veine apophatique, se fait jour et jalonne la route de moments prémonitoires17 dès le premier recueil dans lequel, faut-il le rappeler, les réponses se font attendre. Le poète a oublié le message : « [l’] ordine che in viaggio mi scordai18 » [l’ordre que pendant le voyage j’oubliais] et la quête du sens a rencontré sur son chemin le contingentisme de Boutroux, celui du miracle et de la nécessité : « ci si aspetta / di scoprire uno sbaglio di Natura, / il punto morto del mondo, l’anello che non tiene, / il filo da disbrogliare che finalmente ci metta / nel mezzo di una verità19 » [On s’attend / à découvrir un défaut de la nature / le point mort du monde, le chaînon qui ne tient pas le fil à démêler qui enfin nous conduise au centre d’une vérité]. Mais le discours poétique ne s’en tient pas là, il s’élargit à l’universelle condition en passant du « je » au « nous » et conclut par un naufrage, dont le caractère emblématique n’échappe pas : « Così sommersi / in un gorgo d’azzurro che s’infolta20 » [ainsi engloutis / dans un gouffre d’azur qui s’épaissit]. Parallèlement, une stylistique parcimonieuse fait des mots les plus simples, qui sanctionnent l’inexorabilité des événements, les emblèmes de la poésie : « qualche gesto che annaspa…21 »[quelque geste qui se débat] : « troppo tardi se vuoi essere te stessa22 ! » [trop tard si tu veux être toi même], ramenant périodiquement les images à des formes vides : « L’onda, vuota, si rompe sulla punta, a Finisterre23» [la vague vide se brise sur la pointe au Finistère].

7 L’impuissance éprouvée24 dans le premier recueil, sous la forme imagée de « l’arco del cielo appare / finito25 » [la voûte du ciel semble / fermée], se reformule dans les autres recueils et le « disco di già inciso26 » [le disque déjà gravé] de la Bufera e altro ne permet pas d’échapper à la « dolce ignoranza27 », [douce ignorance], qu’attestait le début de sa poésie28. Cela nous rappelle qu’une grande part de l’ambition poétique de Montale n’est que désir contrarié.

8 5/ La pensée qui circule et la manière qui évolue d’une poésie à l’autre, d’un recueil à l’autre, privilégient un désir nostalgique de fusion, que la pudeur contraint. Ainsi, la poésie qui naît chez Montale de la continuelle oscillation d’une pensée qui fait de l’intellection sa finalité propre, tout en reconnaissant son incapacité à l’atteindre29, « Avrei voluto sentirmi scabro ed essenziale30 » [j’aurais voulu me sentir épuré essentiel], retrouve précisément dans la philosophie et le philosopher le mode d’expression de ce désir nostalgique de fusion31. Dans de telles dispositions, la vérité recherchée n’est vérité que si elle est le tout de l’être et ne laisse rien derrière, le libérant enfin du poids de la détermination ainsi que le disent ces vers célèbres : « Oh allora sballottati/ come l’osso di seppia dalle ondate/ svanire a poco a poco : / diventare/ un albero rugoso od una pietra/ levigata dal mare : nei colori/ fondersi dei tramonti : sparir carne/ per spicciare sorgente ebbra di sole, dal sole divorata32 », [Oh, alors, ballotté comme l’os de seiche par les vagues s’effacer peu à peu : devenir arbre rugueux ou pierre polie par la mer : se fondre dans les couleurs des soleils couchants, disparaître chair pour rejaillir source ivre de soleil, dévorée de soleil33].

9 Si le poète chante, et si l’effusion panique suffit pour l’heure à masquer l’absence qu’advient-il de la raison ? La raison, ainsi confrontée à la totalité perd sa qualité cognitive, rendant le rôle joué par la totalité dans l’herméneutique du poète inséparable d’elle. Philosophie de la connaissance ou mythologie personnelle, pour reprendre le mot de Platon, c’est bien le « soleil en son séjour » qui est métaphoriquement l’objet de la quête. Montale, est à la recherche du miracle qui concèderait une totalité accessible à l’intuition, donnant à la réalité de son observation et de ses expériences le sens d’une recherche, celle de la dynamique universelle : « la forza / che nella sua tenace ganga aggrega / i vivi e i morti, gli alberi e gli scogli / e si svolge da te, per te…34 » [la force qui dans sa gangue tenace agrège / les vivants aux morts, les arbres aux rochers / et de toi se dégage pour toi]. La quête se poursuit avec une opiniâtreté instinctuelle « Tutto ignoro di te fuor del messaggio/ muto che mi sostenta sulla via35 », [De toi je ne sais rien, hormis le message muet qui me soutient sur la route] et l’intuition, forte des anciens paradigmes, soutient la nostalgie du pays inconnu : Avrò di contro un paese d’intatte nevi […] Lieto leggerò i neri / segni dei rami sul bianco / come un essenziale alfabeto36 » [S’ouvrira devant moi un pays de neiges immaculées […] joyeux, je lirai les / noirs signes des branches sur la blancheur / comme un alphabet essentiel], ainsi lui qui voulait être économe de ses sentiments cède t-il à la subjectivité qu’il extériorise dans l’idéalité d’une vision dominant son devenir.

10 Montale avait-t-il besoin d’un alibi poétique ? Mène-t-il un jeu intellectuel ? Sa poésie est-elle un acte de pure forme du pensable vide de contenu ou est-ce la vraie vie qui fait défaut et qui a placé sur sa route la métaphysique ? La réponse n’est pas tranchée, le poète qui est moins tenu que le philosophe à la continuité de la raison s’en remet à son inspiration qui ne renie pas l’importance déterminante du dire et la signification codée du langage, tel qu’il le concèdera dans une poésie de la fin de sa vie : « (una E maiuscola, la sola lettera / dell’alfabeto che rende possibile / o almeno ipotizzabile l’esistenza)37 » [« (Un E majuscule, seule lettre / de l’alphabet qui rend possible / ou du moins supposable l’existence) »].

11 6/ L’ambiguïté chez Montale tient au fait qu’il a beau refuser d’accepter le jeu du monde comme représentation, il ne refuse pas l’espoir de le saisir comme totalité signifiante. Pour cela, c’est par un véritable champ contre champ qu’il objective la distance en devenir et en futur de rêve et d’espoir… pour qu’ainsi, tout en étant dans l’être, il n’y soit pas encore. Cela lui permet de creuser une distance de soi à soi qui lui laisse augurer d’un futur de l’infini qui se saisirait dans une totalité38. Ce subterfuge lui confère un effet de puissance qui donne à l’acte, qu’il ne décide pas, une présence relative mais efficace. Cela laisse à la patience toutes ses prérogatives. Mais cela a un effet pervers, comme si sa pensée, pensait devant elle, ou comme si le poète marchait devant lui, l’objectivation qui se produit dans l’œuvre même du langage détache le sujet des choses possédées, comme s’il survolait sa propre existence ou comme si l’existence qu’il vit ne lui était pas encore arrivée. C’est le sens de la poésie « Arsenio » et celui de la poésie « Ciò che di me sapeste », dans laquelle il confie : « Se un’ombra scorgete, non è / un’ombra-ma quella io sono39. » [Si vous apercevez une ombre, ce n’est pas / une ombre – mais c’est moi], que les vers du Diario, plus tardif, reprennent et dénouent : « A questo punto smetti / dice l’ombra. / T’ho accompagnato in guerra e in pace e anche / nell’intermedio, / sono stata per te l’esaltazione e il tedio, / t’ho insufflato virtù che non possiedi, / vizi che non avevi. Se ora mi stacco / da te non avrai pena, sarai lieve / più delle foglie, mobile come il vento. / Devo alzare la maschera, io sono il tuo pensiero, / sono il tuo in-necessario, l’inutile tua scorza40. », [Parvenu à ce point, il te faut cesser, / dit l’ombre. / Je t’ai accompagné en temps de guerre et en temps de paix et même / dans l’entre-deux, / j’ai été pour toi l’exaltation et le dégoût. / Je t’ai insufflé des vertus que tu ne possèdes pas, / des vices que tu n’avais pas ? Si maintenant je me détache / de toi, tu n’auras plus de peine, tu seras léger / plus que les feuilles, mouvant comme le vent. / Je dois lever le masque, je suis ta pensée, / je suis in-nécessaire, ton inutile écorce].

12Face aux incertitudes, à l’inadéquation au monde et à soi qui le livrent au sentiment de l’impuissance et colorent de négativité sa poésie, le poète va s’user et déployer toutes les ressources de son art pour trouver une sortie de secours.

137/ La première sortie de secours ouvre le champ profond de l’altérité par ce « dégrisement du moi prisonnier de son intéressement à être et par « [l’] avènement d’une nouvelle subjectivité41 » dédiée à l’autre42, comme nous le disions précédemment. Comme la poésie « Incontro43 » le signalait déjà et avant elle la poésie « Falsetto44 » l’inaugurait, le poète tente de sortir de l’informe. Le désir est alors absolument autre. Mettant en pratique son instinct d’essai, tel que Silvio Fanti45 l’a désigné, le poète par tâtonnements et tentatives successifs recherche son identité.

14À côté de la dialectique du je-tu et échappant à toute dualité, dans l’espoir de contourner la difficulté de se construire ou pour parvenir à une conscience de soi qui à elle seule serait déjà savoir et résoudrait le problème, l’autre voie que le poète explore dès le début de sa poésie est celle de la générosité sacrificielle. Sachant d’instinct que « le sort du monde repose sur les justes46 » il compense l’intuition de la perte du sens par une forme de générosité sacrificielle47 qui requiert cette tentative d’unicité irremplaçable, pour le jeune poète et ses illusions, générosité qui lui confère la noblesse de l’exceptionnel. Mais cette poétique, sous sa forme le plus émotionnelle s’épuisera, apportant sa propre limite à l’espoir48.

15La seconde sortie de secours tente de répondre à la question : que faire contre l’impossibilité de saisir la vie dans son idéalité temporelle ? Chez Montale, épiphanies et occasions se présentent comme une éternité manquée, une privation d’éternité qui se cache dans les plis des poétiques de l’aridité, que cherche à conjurer la relation au langage et l’espoir, que la syntaxe et le lyrisme lui concèderont de moins en moins au fil des recueils.

16Que faire lorsqu’on ne peut saisir cette idéalité temporelle, lorsque les images mobiles sont comme l’unité consommée d’une éternité, de l’un indivisible, que l’on aurait voulu immobile ? Le combat entrepris contre l’entropie du temps ne viendra pas davantage à bout de la « satiété de Cronos49 » et ne ramènera pas davantage les insaisissables présents du passé à la simultanéité et à l’unité50.

17La quête montalienne qui demeurait liée au volontarisme du « Forse chi vuole s’infinita51 » [Peut-être seul qui le veut s’infinise], postulait par « je veux » interposé, mais en voulant se faire autre, cette volonté est devenue objet d’elle-même et par cet effort pour saisir les indéterminations latentes s’est dépensée à maîtriser sa présence52, si bien que la volonté ne parvient à aucune certitude et laisse la question entière. Pour le poète, la prise de conscience restera inhibition : « Il mondo esiste uno stupore arresta il cuore53 » [Le monde existe- La stupeur / fige le cœur]. Mais c’est là une position encore relativement confortable, car elle relève toujours de l’éventualité, du devenir, si bien que les symboles prélogiques qui peuplent de signes l’univers de sa mythologie ontologique, parviennent encore à créer une manière de satisfaction ainsi qu’il est dit dans la poésie « Dora Markus » : « forse ti salva un amuleto che tu tieni / vicino alla matita della labbra, / al piumino, alla lima : un topo bianco, / d’avorio : e così esisti54 ! » [peut-être une amulette te sauve-t-elle, que tu gardes / près de ton bâton de rouge à lèvres, / de la houppette, de la lime : une souris blanche en ivoire : et ainsi tu existes55].

188/ Que voulait le poète ? Percer le mystère et parvenir à l’intelligibilité du monde, connaître « il perché della rappresentazione56 » [le pourquoi de la représentation], « arracher la conscience aux images pétrifiantes » selon le mot de J. Gonin et adoucir les chemins de la pensée, en ramenant la rime à la raison, mais à quelle raison ? Il est bien difficile de réenchanter un monde qui ne se donne pour réel que par intermittence. Si la vie a un sens, la raison du poète feint de l’ignorer malgré le bel édifice rationaliste que la culture institutionnelle lui a inculqué : « Eppure a scuola / ci avevano insegnato che il reale / e il razionale sono le due facce / della stessa medaglia57 ! » [Et pourtant à l’école / on nous avait enseigné que le réel / et le rationnel sont les deux faces / de la même médaille !]

19L’abandon gagne. À la fin du troisième recueil intervient un changement qualitatif qui porte un coup d’arrêt à l’espoir et à l’ancienne dialectique par l’effet d’une volonté cynique. Un vers de Satura met fin à la présomption visionnaire du poète : « …Sono colui / che ha veduto un istante e tanto basta58 » [je suis celui qui un seul instant a vu : cela suffit]. Montale rompt avec l’exigence première qui projetait dans un au-delà l’achèvement idéal de ce qui se donne ici comme inachevé. C’est alors que cette vérité qui devait être le tout de l’être, cette raison qui selon ses modes culturels prescrit à l’entendement d’embrasser le tout en un Tout absolu, comme si elle débordait la pensée qui le pense, faillit à sa tâche. C’est en tout cas ce que les vers qui suivent diront dans Poesie disperse: « Noi non sappiamo nulla ma è ben certo / Che sapere sarebbe dissoluzione / perché la nostra testa non è fatta per questo59 » [Nous, nous ne savons rien mais il est bien certain / que le fait de savoir équivaudrait à la dissolution, / car notre tête n’est pas faite pour cela]

20Tout s’effrite et se brise comme un rêve irréalisable et sa poésie désormais répond à cette prise en compte de la situation existentielle : « Manca il totale. / Gli addenti sono a posto, incepibili, / ma la somma ?60 » [il manque le total. / Les termes de l’addition sont en place, irréprochables, / mais la somme ? »] : « So che si può vivere non esistendo […] So che si può esistere / non vivendo61 » [Je sais que l’on peut vivre / sans exister, / […] Je sais que l’on peut exister / sans vivre]. La dérision qui se substitue au souffle de l’espoir, confirme cet effritement de la connaissance et des valeurs qui sont attachées à la culture occidentale : « Non resta che il pescaggio nell’inconscio l’ultima farsa del nostro moribondo teatro62. » [Il ne nous reste que le tirant d’eau de l’inconscient, ultime farce de notre théâtre moribond.]

21N’étant pas parvenu à déchirer par ses mots le voile de la connaissance, pris au piège de son miroir : « in me i tanti sono uno anche se appaiono / molteplicati dagli specchi. [et] l’uccello preso nel paretaio / no sa se sia lui o uno dei troppi / suoi duplicati63 » [en moi plusieurs font un, même s’ils apparaissent / multiplié par les miroirs. [et] l’oiseau pris dans la palombière / ne sait plus s’il est lui ou l’un de ses trop nombreux doubles] : il s’en remet dès le quatrième recueil à une logique qui certes n’exclue pas l’intemporel : « Il mio sogno non sorge mai dal grembo / delle stagioni : ma nell’intemporaneo / che vive dove muoiono le ragioni64 » [Mon rêve ne s’élève jamais / du sein des saisons, mais de l’intemporel / qui vit où meurent les raisons] mais vide progressivement la raison de son sens, la faisant rimer principalement avec dérision. Le poète observe, s’observe et se souvient encore, nous livrant des commentaires qui le situent encore dans le monde, tout en n’y étant plus tout à fait. Il inaugure ainsi une écriture qui fait fi des nuances de la rhétorique poétique et qui livre sa pensée « au plus pressé » dans une version prosaïque.

22 Dès lors que l’escroquerie est avérée : « Non c’era toppa / nella serratura65 » [Il n’y avait pas de trou dans la serrure], tout est permis. Tout ce qui tentait d’apprivoiser l’existence et l’être disparaît avec la fin de la veine lyrique et l’émergence de la tonalité nouvelle. Le poète renonce et décide de montrer l’envers du décor avec la conviction de celui qui serait passé de l’autre côté du miroir. Seule l’idée folle d’un possible dans lequel sommeille l’impossible : « Solo il farnetico è certezza66 » [seul le délire est une certitude], peut encore nous tenir en haleine.

23 9/ La force éthique du « non67 » montalien va connaître un développement extensif en manière d’opposition à la cacophonie du monde : « Déconfiture non vuol dire che la crème caramel / uscita dallo stampo non stia in piedi. / Vuol dire altro disastro : ma per noi sconsacrati / e non mai confettati può bastare68 » [Déconfiture ne veut pas dire que la crème caramel / sortie de son moule ne tienne pas. / Cela veut dire un autre désastre : mais pour nous déconsacré et jamais confit cela peut suffire]... La « fureur iconoclaste69 » va se déchaîner, dialectique implacable et dérision sans appel vont de pair, les questions ne créent plus l’angoisse de l’incertitude mais affirment péremptoirement : « gli scorni di chi crede / che la realtà sia quella che si vede70 » [Honte à ceux qui croient que la réalité est celle qui se voit] : « Il terrore di esistere non è cosa / da prendere sotto gamba71 » [La terreur d’exister n’est pas chose / à prendre par-dessus la jambe] : le futur est sans trace : « Negli istanti futuri senza tracce », « supporre che qualcosa / esista / fuori dell’esistibile, / il solo che si guarda / dall’esistere72. » [Dans les instants futurs sans traces : supposer que quelque chose / existe / en dehors de l’existant / le seul qui se garde / d’exister]. Avec Satura nous quittons le cimetière des espoirs73 et entrons dans le tribunal des illusions. Il y en a pour tout le monde, la société et ses institutions sont parmi les premiers servis et pour cela Montale balaye tous les récits qui légifèrent sur le réel et le totalisant : « Non so chi se n’accorga / ma i nostri commerci con l’Altro / furono un lungo inghippo74. » [Je ne sais pas qui s’en aperçoit, / mais nos commerces avec l’Autre / n’ont été qu’une longue embrouille], « Tutte le religioni del Dio unico / sono una sola : variano i cuochi e le cotture […] Il sommo Emarginato, se mai fu, era perento75. » [toutes les religions du Dieu unique / ne font qu’une : seuls varient cuisiniers et cuissons… Le Grand marginal, s’il existe était périmé.] : « La storia non contiene / il prima e il dopo, / nulla che in lei borbotti / a lento fuoco76 » [L’histoire ne contient / ni l’avant ni l’après, / rien en elle qui ronronne / à feu doux] : « se l’uomo è nella storia non è niente : / la storia è un marché aux puces non un sistema », [si l’homme est dans l’histoire il n’est rien : / l’histoire est un marché aux puces non pas un système], « La storia gratta il fondo / come una rete a strascico / con qualche strappo e più di un pesce sfugge. / Qualche volta s’incontra l’ectoplasma / d’uno scampato e non sembra particolarmente felice. / Ignora di essere fuori, nessuno glie n’ha parlato. / Gli altri, nel sacco, si credono / più liberi di lui77 » [L’histoire gratte le fond / comme traînant son chalut troué par endroit – plus d’un poisson s’échappe, / quelquefois on rencontre l’ectoplasme d’un rescapé il ne semble pas particulièrement heureux. Il ignore s’il est dehors, personne ne le lui a dit. Les autres, tombés dans le filet, se croient plus libres que lui] : « Lo storicismo dialettico / materialista / autofago / progressivo / immanente / irreversibile / sempre dentro / mai fuori / mai fallibile / fatto da noi / non da estranei / propalatori / di fanfaluche credibili / solo da pazzi78 » [L’historicisme dialectique / matérialiste / autophage / progressif / immanent / irréversible / toujours dedans / jamais dehors / jamais faillible / fait par nous / pas par des étrangers / propagateurs / de sornettes crédibles / seulement par des fous]. Il n’est pas jusqu’à la scatologie qui n’ait droit de cité :  « La poesia e la fogna, due problemi mai disgiunti79 » : [Égouts et poésie deux problèmes inséparables et le cynisme y tient bonne place : « Se uno muore / non importa a nessuno purché sia / sconosciuto e lontano80 » [Si quelqu’un meurt / cela ne fait rien à personne, pourvu qu’il ne soit pas connu et loin]. Enfin dans un élan d’humour qu’il retourne volontiers contre lui-même, il fait pleuvoir sur tout et même sur les os de seiches : « Piove / sul nulla che si fa Piove sugli ossi di seppia81 » [Il pleut sur le néant qui se fait…Il pleut sur les os de seiche].

24 Dérision, vacuité de tout propos et de toute référence, sens contraire au sens commun, vide du sens, anti-réalité et non-être, tout est le contraire de tout. Avec Satura, le poète a l’oeil partout : « sto attento a tutto82 » [je suis attentif à tout], dit-il, il mène un discours à bâtons rompus, puisant dans le vaste bric-à-brac de ses souvenirs, de ses expériences, de ses voyages. Il y a là une dispersion de l’attention et de la vision qui confirme et accepte la privation dont nous parlions précédemment. Privation de sens, qui le conduira à privilégier son contraire et son pendant, le non-sens : « Coloro che hanno presunto / di saperne non erano essi stessi esistenti, / né noi per loro » [ceux qui ont présumé / qu’ils en savaient quelque chose n’étaient pas eux-mêmes existants, / et nous ne l’étions pas à leur place]. Montale en a bien fini avec ce regret de l’enfance qu’il exprimait dans les Ossi : « il nostro mondo aveva un centro83 » [notre monde avait un centre] : et en refusant tout ce qui dans la culture avait organisé sa pensée, il renonce à son aspiration aux espoirs de réponse globale.

25 Le poète résume ainsi le chemin parcouru dans « Botta e risposta » [Du tac au tac] : « Poi d’anno in anno – e chi più contava / le stagioni in quel buoi ? – qualche mano / che tentava invisibili spiragli84 ». [Puis d’année en année – mais qui comptait encore les saisons dans ces ténèbres ? – quelque main s’aventurant vers d’invisibles soupiraux.]

26 10/ Qu’y a-t-il de nouveau dans cette poésie qui a perdu le modèle de la présence ? À l’inverse de l’adéquation au paradigme culturel de la période précédente, qui répondait à ses prétentions à connaître le pourquoi de l’être et du monde et concevait une rationalité qui parvenait à identifier le rationnel au tout, l’ontologie de Montale se met à « marcher sur la tête » ! Sa poésie, sortant de la lignée tragique du destin, livre ses vers à une fluidité prosaïque et provocatrice. Cela résume-t-il le sens de toute son expérience poétique ? Pourrait-on se contenter de dire que, comme s’il reconnaissait une erreur, et en accord avec la pensée occidentale, Montale ne cherche plus à croire en des déterminations ou des fondements métaphysiques85 tels que certains vers le laissent entendre métaphoriquement : « Nel buio e nella risacca più non m’immergo, resisto / ben vivo vicino alla proda86 » [Dans l’ombre et le ressac je ne plonge plus, je résiste / bien vivant sur la rive] ?

27 L’itinéraire poétique de Montale, qui a pris naissance dans cette soif de connaissance, à la recherche du « mouvement fusionnel de la conscience, dans l’essence mystérique de l’univers87 », le conduit progressivement au terme de l’aventure de la métaphysique occidentale à cette « métanoia » de l’esprit qui se vide de son savoir, s’affranchissant des valeurs de sa culture, comme J. Gonin l’a magistralement montré88. Pour autant, la pensée ne se perd pas de vue et se fraye un chemin : « E allora ? eppure resta / che qualcosa è accaduto, forse un niente / che è tutto89 », [Et pourtant il n’en demeure pas moins / que quelque chose s’est produit, peut-être un rien / qui est tout] et si l’altérité est désormais inanticipable, il reste bien au poète l’altérité du pensant !

28 Cela n’est pas tout, la politique de la terre brûlée que Satura met en oeuvre avec force pose une question : que cherche-t-elle ? Ne dit-elle que le « néant » ? Ne parle-t-elle que du vide ? Ne cherche-t-elle pas plutôt à libérer un nouvel espace qui fasse éclore une vérité qui avance masquée comme la stratégie qui le conduit à retourner la négation contre la négation même : « un niente che è tutto90 » [un rien qui est tout] le formule à nouveau ? Si les vers suppriment la finalisation ils ne manquent pas de poser la même question. Cela conduit à postuler une autre hypothèse : le désir renouvelé de ne plus être cloué à l’identité de soi qui recherche la vraie altérité s’est déplacé vers un nouvel espace, un espace « neutre » qui ne peut plus se contenter de la logique du aut / aut91

29 Mais cela nous conduit à une considération qui ne manque pas d’intérêt. Il y a dans la poésie de Montale deux catégories d’images92 qui figurent le vide. La première catégorie habille le langage d’obscurité, de silence, d’absence, précipite la disparition dans des gouffres : « Il silenzio che ingoiava tutto…il fosso si allargava troppo fondo / per l’ancora e per noi…il vallo chiuse / le valve, nulla e tutto era perduto93 » [Le silence qui engloutissait tout…le trou qui s’agrandissait trop profond… pour l’ancre et pour nous…la corbeille fermée / les valves, rien et tout était perdu94]. C’est ce vide n’est pas encore le vide physique, l’absence de toute matière, mais « un intervalle ouvert, un vide complémentaire du plein95 », qui n’en constitue pas moins un premier signal de détresse. Ce vide-là est celui du fantasme, auquel la raison peut encore donner forme, il fait encore parti, si cela peut-être dit ainsi, d’une possible représentation diégétique !

30 La seconde catégorie des figurations du vide est à l’inverse un défi à l’entendement. C’est un vide terrorisant qui n’a pas de forme qui le figure, on ne lui connaît aucun référent et aucune détermination, il ne peut-être représenté dans l’univers du récit : « Il nulla alle mie spalle, il vuoto dietro di me96 » : « l’arduo nulla97 » : « Le nocche delle Madri s’inaspriscono, / cercano il vuoto98 » : « E il gesto rimane / misura / il vuoto, ne sonda il confine99 ». Il s’agit du vrai vide en somme, qui rejoint la liste des « absolus » comme le « vrai néant », le « vrai être » d’hégélienne mémoire et Montale invoque de manière comminatoire : « il vuoto è il pieno100 » [le vide c’est le plein] : un vide qui se superpose au plein, un néant qui se superpose à la totalité, le recouvre parfaitement et tient lieu de satisfaction provisoire, car enfin, qu’importent les distinctions puisque les paramètres physiques du réel ont disparu : « Da quando il tempo-spazio non è più / due parole diverse per una sola entità / pare non abbia più senso la parola esistere101. » [Depuis que le temps-espace n’est plus / deux mots différents pour une seule entité / le mot exister ne semble plus avoir de sens]. Ces images vides du vide (!) ne seraientelles pas celles du nouvel infini qui ne se laisserait capturer par aucune totalité102 ?

31 Ajoutons à cela que dans la recherche esthétique du poète, les dires nouveaux qui jalonnent ses recueils dans leurs moments de majeure signification, pointent chaque fois le désir de satisfaire la connaissance hors des thèmes et des manières dans lesquels ils se montrent déjà. Cette recherche esthétique que Montale mène à travers ses poétiques successives n’est sans doute pas étrangère à la recherche de l’autrement qu’être, pour le dire avec E. Lévinas.

32 Tout est question de langage, de forme et de référence culturelle et plus précisément philosophique : mais si ce qui différencie vide et plein, être et néant, être et non être, tient bien à la forme, n’oublions pas que la forme renvoie aussi à l’identité et à l’être et par conséquent au devenir, et qu’être et néant pris en dehors du devenir sont identiques103. L’un, le tout, a le devenir dans son prolongement, l’autre, le rien, le vide, à la mort comme perspective de vraie vie ! N’étaitce pas ce que Montale augurait déjà obscurément, ou secrètement, dans ce vers des Occasioni, en parlant obscurément de « la morte la morte che vive104 » et qui levait l’angoisse du doute : « Eppure non mi dà riposo / sapere che in uno o in due noi siamo una sola cosa105 » [Et pourtant ne me laisse pas en repos / l’idée que, seul ou à deux, nous ne sommes qu’une seule chose] ?

33 Philosophie du Tout ou philosophie du Rien, les concepts ne semblent pas si cloisonnés et l’on a beau changer de signe, on ne change finalement que de référence culturelle sans abandonner le principe qui ordonne la motivation du questionnement. Montale nous a conduit au seuil d’une nouvelle métaphysique, une anti-métaphysique qui serait l’image en creux de la précédente, image scotomisée de la totalité dont l’écriture s’origine désormais dans une absence, celle du « non essente / essere106 » [l’être inexistant] qui répond toujours à cette nostalgie démesurée de l’être que le poète avait manifesté. L’écriture poétique s’origine désormais dans cette absence, celle qui a perdu le fondement suprême qui garantissait l’espoir de la rationalité de l’univers, elle instaure une béance, celle du vide universel, que la parole sollicite désormais, en lieu et place du tout.

34 Contrairement à ce que la tonalité désabusée et le propos indifférent pourraient laisser croire, le poète ne se situe pas totalement dans un espace qui constaterait la perte de volonté du sujet. Satura rappelle à sa manière la question initiale : « Che mastice tiene insieme / questi quattro sassi107 ? »[Quel est donc le mastic qui fait tenir ensemble ces quatre pierres ?] et Montale a beau clamer son indifférence, cela n’en constitue pas moins une protestation encore plus vive, que rappellent ici où là quelques vers qui remettent en selle le souvenir du désir et la manière incantatoire de la jeunesse propre à la poésie et à la poétique de Montale : « Servire, anche sperarlo, sarebbe ancora la vita108 », [Servir, en avoir l’espoir, ce serait encore la vie].

35 11/ Comme on le voit, la parole poétique de Montale, en se tournant et se retournant ne parvient pas séparer la poésie de l’énigme de l’être. Elle parvient même à retrouver et en tous cas à ne pas négliger cette différence ontologique heideggerrienne qui différencie l’être et l’étant. Les vers de Satura dédiés à sa femme « Mosca » qui est morte : « di te che non sei più forma, ma essenza109 » [de toi qui n’est plus forme mais essence] confirment la présence de cette idée que la poésie en prose, « Visita a Fadin », lui avait déjà permis de clarifier : « E ora dire che non ci sei più vuol dire solo che sei entrato in un ordine diverso110… » [Et maintenant, dire que tu n’y es plus veut dire seulement que tu es entré dans un ordre différent].

36 Le poète a eu beau écouter, embrigader le monde dans son expérience, peupler son parcours de fantasmes, accueillir en sa demeure l’Altérité comme volonté de vivre, il n’est pas parvenu à entendre cette parole de l’être qui, si l’on en croit Bodei n’est qu’: « un sogno fugace un’apparenza che pretende avere realtà111 » [Un rêve fugace… une apparence qui prétend avoir une réalité]. Ainsi, en passant de l’autre de l’être à l’autrement qu’être et en n’acceptant plus de jouer le rôle de marionnette de l’altérité, le « je » a épuisé la veine de la subjectivité et met fin à l’activité fondatrice de l’être. Alors, renouant avec la froide nostalgie du vide112, il s’y précipite suivant la tentation de « Arsenio » : « Ti protendi / a un vuoto risonante di lamenti / soffocati » [tu te penches / vers un vide résonnant de plaintes / étouffées113] ou de « l’agave sullo scoglio » de sa jeunesse, rappelant périodiquement le doute qui entoure son être : « una qualche improbabile identità114 » [une quelconque et improbable parole] : une « Dubbiosa identità115 » [l’identité douteuse] : la « spenta identità116 » [l’identité éteinte].

37 Le sujet est devenu un lieu déshabité, spectral, et ne peut représenter ce qui est absence de représentation. La voie de la connaissance qui passait à travers soi est bloquée : « E di me ? La speranza è che sia disperso / il visibile e il tempo che gli ha dato / la dubbia prova che questa voce È117. », [Et de moi ? L’espoir est que s’effacent / le visible et le temps qui lui a fourni la parole douteuse que cette parole est]. Mais si celui qui continue de parler est un être vide, cela ne veut pas dire que le poète n’éprouve plus d’intérêt, ne soit plus à l’écoute du langage de l’origine. Seul ce qu’ il entend est en cause, et ce qu’il entend est une voix sans son : « Non dava suono il giorno … il silenzio ingoiava tutto118 » [Le jour ne donnait aucun son…le silence engloutissait tout], dit-il dans la poésie qui très emblématiquement s’intitule « Il vuoto » [« Le vide »]. Le vide est donc cette sortie de secours qui offre bien des avantages. Débarrassé du poids du choix et de la détermination à l’action et s’il est vrai que la possession par l’unique serait la fin de la pensée, le vide, le néant, est le vrai futur, le support de toute possible tentative119. C’est ce qui lui concède de poursuivre l’exercice de la pensée sur le monde et sur les êtres en dépit des propos désabusés sur le futur précisément : « il futuro altresì disappetente120 »[le futur est aussi sans appétit] : « l’avenire è già passato da un pezzo121 » [l’avenir est passé depuis longtemps].

38 Voilà alors le futur complètement inversé et le chemin auguré à rebours. La pensée toujours vigilante, est prête à s’adapter à la nouvelle situation : « La nostra mente fa corporeo anche il nulla122 » [Notre esprit donne corps même au néant] et Montale rencontre fortuitement la formulation de la pensée du philosophe E. Lévinas, qui sonne comme un commentaire de la sienne, en tendant l’oreille vers les premières manifestations de l’être : « Vides et pleins interchangeables, comme si le vide était plein, comme si le silence était bruit... non qu’il y ait ceci ou cela : mais la scène de l’être est ouverte : il y a123. » L’» il y a » a cet autre avantage, celui de remplir le vide que laisse la négation de l’être », car « l’il y a » qu’il découvre c’est tout le poids que pèse l’altérité supportée par une subjectivité qui ne la fonde pas, [et] derrière le bruissement anonyme de « l’il y a », la subjectivité atteint la passivité sans assomption124 » ramenant le poète à la satisfaction de sa vraie nature, tels que les vers anciens en confessaient l’indétermination : « Sparir non so ne riaffacciarmi125 »[je ne sais ni disparaître ni reparaître]. Cela semble faire augurer au poète dans le Quaderno di traduzioni, par emprunt et traduction de Maragall interposés, une nouvelle vie que seule la mort peut concéder : « e la morte mi sia un più gran nascere126 », [et la mort me soit un plus grand naître].

39Puisque désormais, il faut feindre, parce que le monde est une blague, une baliverne, comme la poésie « Realismo non magico127 » le dit, il faut se faire une raison et feindre : « Così bisogna fingere / che qualcosa sia qui / tra i piedi tra le mani / no atto né passato / né futuro / e meno ancora un muro da varcare / bisogna fingere / che movimento e stasi / abbiano il senso / del non senso / per comprendere / che il punto fermo è un tutto / nientificato128 », [Ainsi il faut feindre de croire / que quelque chose soit là / entre les pieds entre les mains / ni acte ni passé / ni futur / et encore moins un mur / à franchir// il faut feindre de croire que / le mouvement et la stagnation / aient un sens / du non-sens / pour comprendre / que le point fixe est un tout / néantifié], car enfin cela semble clair pour le poète : « non è morte dove mai fu nascita129 »[il n’y a pas mort lorsqu’il n’y a jamais eu naissance] !

40Montale s’est-il pour autant installé dans une certitude inébranlable ? Pas tout à fait, et sa pensée oscille encore si l’on en croit ces vers de la poésie de Satura « l’Eufrate » : « Non ripetermi che anche uno stuzzicadenti, / anche una briciola o un niente può contenere il tutto. / È quello che pensavo quando esisteva il mondo ma il mio pensiero svaria, si appiccica dove può / per dirsi che non s’è spento. Lui stesso non ne sa nulla », [ne me répète plus que même un cure-dents, même une miette ou un rien peut contenir le tout. / C’est ce que je pensais quand le monde existait mais ma pensée varie, s’appuie où elle peut / pour dire qu’elle ne s’est pas éteinte. Lui-même n’en sait rien]. Les efforts de la volonté sont difficilement récompensés : « Fu detto che non si può vivere senza la carapace / di una mitologia130 » [Il a été dit l’on ne peut vivre sans la carapace d’une mythologie] et la vérité a changé de lieu et de camp si l’on peut dire, mais pas de fonction. La vérité n’est plus dans l’affirmation ni dans la recherche de ses effets, mais dans son contraire, dans la négation consentie et elle advient « là où elle est niée, là où on la fait coincider avec la non-vérité, ou elle est ramenée au « non » comme le dit le philosophe131. C’est même pour cela que le monde est devenu une vaste blague, pour que la vérité advienne, car la vérité advient là où elle est soustraite à la nécessité, quand elle s’est libérée de l’identité, retirée dans son propre « fondement infondé », si bien que le vide, le rien c’est Dieu lui-même132, sa profondeur abyssale, sa liberté : « Ancora una volta è il nulla a far sì che l’essere sia convertito nella libertà133. » L’ontologie négative est finalement la seule liberté et c’est pour cela que Montale l’a tant aimée : « Non c’è stato/ nulla, / assolutamente nulla dietro di noi / e nulla abbiamo disperatamente amato più di quel nulla134 » [Il n’y a rien eu / absolument rien derrière nous / et n’avons désespérément rien aimé plus que ce rien.135]

Se dio è il linguaggio, l’Uno che ne creò tanti altri per poi confonderli136 [Si dieu est langage, l’Un qui en créa tant d’autres pour les confondre ensuite]

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Notes

1 « Botta e risposta II 2» », Satura.
2 « Marezzo », Ossi di seppia , [le titre apparaîtra désormais sous sa forme abrégée Ossi].
3 « In Limine », la première poésie, place l’expérience poétique sous le patronage de la connaissance. Le regard s’attache à traquer les signes d’un destin paresseux. Au cœur du tumulte le poète est à la recherche d’une évidence qui se dérobe et qu’il ne parvient pas à désigner.
4 « In limine », Ossi.
5 J. Gonin, L’expérience poétique de Eugenio Montale, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1996 ; p. 106-107.
6 Ossi.
7 « Crisalide », Ossi.
8 « Dove se ne vanno le ricciute donzelle », Ossi.
9 « I limoni », Ossi.
10 « Ossi di seppia », Ossi.
11 « Maestrale », Ossi
12 « In Limine» » Ossi.
13 E. Lévinas, Altérité et transcendance, Cognac, Fata Morgana, 1995, p. 30.
14 « Dove se ne vanno le ricciute donzelle », Ossi.
15 « Giorno e notte », La Bufera ed altro.
16 « Iride » est selon Montale lui-même, cette « ebrea che io chiamo cristofora o portatrice di cristo »
17 Car, l’intuition et la connaissance furent les maîtres mots de son premier recueil Ossi di seppia, dans lequel le poète cherche : « lo sguardo fruga, d’intorno/ la mente indaga accorda disunisce » (« I limoni ») [le regard fouille tout autour, / l’esprit enquête accorde sépare / autour]. Deux démarches, souligne Jean Gonin, qui conditionnent « l’expérience poétique : l’observation et la réflexion, la reconnaissance du réel par le regard et cette pénétration par l’esprit » (in J. Gonin, cit., p. 74). La fin du parcours est plus désenchanté « Nel buio e nella risacca più non m’immergo, resisto / ben vivo vicino alla proda, mi basto come mai prima / m’era accaduto » [Dans l’ombre et le ressac je ne plonge plus, je résiste / bien vivant sur la rive] (« Diafana come un velo… »), Satura.
18 « Dissipa se tu lo vuoi », Ossi
19 « I Limoni », Ossi.
20 « Marezzo » Ossi.
21 « La Bufera », La bufera e altro.
22 « Lungomare », Ibid.
23 « Su una lettera non scritta », Ibid.
24 L’impuissance éprouvée est telle qu’il s’en remet au dialogue silencieux avec les morts et au rite de la prière : « I miei morti che prego perché preghino / per me […] non resurrezione ma / il compiersi di quella vita ch’ebbero / inesplicata e inesplicabile ». [Mes morts que je prie pour qu’ils prient / pour moi […] pour eux non point la résurrection mais / l’accomplissement de la vie qu’ils menèrent, inexpliquée et inexplicable]. « Proda di versilia », ce qui fait écrire à Jean Gonin, fort à propos, que le poète réélabore les fondements du christianisme en mythes poétiques.
25 « Sul muro grafito », Ossi.
26 « L’orto », La Bufera ed altro.
27 « Tentava la vostra mano la tastiera », Ossi
28 Cette ignorance sera revendiquée jusqu’au bout, ou presque, et en tout cas dans le Diario del’71 : « Mai fu gaio / né savio né celeste il mio sapere » [Jamais ne fut gai / ni sage ni céleste mon savoir] , « A Leone Traverso ».
29 J. Gonin, cit., P. 189.
30 « Avrei voluto… », Ossi.
31 E. Lévinas, Altérité et transcendance, cit, p. 14.
32 « Riviere », Ossi.
33 « Svanire / è dunque la ventura delle venture / Portami tu la pianta che conduce / dove sorgono bionde trasparenze / e vapora la vita quale essenza ;/ portami il girasole impazzito di luce », [S’effacer / est donc le destin suprême. / Apporte-moi la plante qui nous mène là où surgissent de blondes transparences / et s’évapore la vie telle une essence ; / apporte-moi le tournesol affolé de lumière.]
34 « Eastbourne », Le Occasioni.
35 « Delta », Ossi.
36 « Quasi una fantasia », Ossi.
37 « Poiché la vita fugge », Altri versi.
38 E. Lévinas, Totalité et infini, Paris, Livre de poche, 1974, pp. 229-231.
39 Ossi
40 « A questo punto », Diario
41 E. Lévinas, Totalité et infini, cit., p. 146.
42 D’ailleurs cet Autre était-t-il cette absolue altérité dont parlent les philosophes ou un autre soi-même cloué à son double ? La question n’est pas tranchée comme V. Vitiello dans son ouvrage Filosofia teoretica, (Milano, Mondadori, 1997, p. 206-207) le suggère.
43 Dans laquelle le poète s’interrogeait en termes qui ne laissent pas de doute sur la nature de l’incertitude : « Forse riavrò un aspetto », Ossi.
44 Ossi.
45 L’homme étant pour S. Fanti finalement la résultante de ses «tentatives ou ensemble de tentatives», pp. 29-30.
46 E. Levinas, L’Utopie de l’Humain, Paris, Livre de poche, 1974, p. 143.
47 « Ti dono anche l’avara mia speranza », « Va, per te l’ho pregato », « scontare la vostra gioia con la mia condanna , Ossi
48 Dans tous les cas, il y a une prérogative à laquelle le poète ne renoncera jamais, c’est celle de la double noblesse de la poésie et du savoir, même quand il n’y a rien à savoir : « Essere sempre tra i primi a sapere, ecco ciò che conta, anche se il perché della rappresentazione ci sfugge, » et cela pour Montale est la leçon de « decenza quotidiana » qu’il a reçu de son ami Fadin, ( « Visita a Fadin », La Bufera e altro.)
49 E. Levinas, Altérité et transcendance, op. cit., p. 33.
50 Ibid, p. 36.
51 « Casa sul mare », Ibid. Le vers programmatique qui affirme dès l’abord une certitude négative : « Non chiederci la parola » (« Non chiederci… », Ossi di seppia), sanctionne cette impuissance par une série d’images poétiques, souvent catamorphes : « voli senz’ali » (« Vento e bandiere », Ossi...), le « il timone/ nell’acqua non scava una traccia ( « Fuscello teso dal muro », Ossi…) ou encore « vietava il limpido cielo/ solo un sigillo » (« Ciò che di me sapeste », Ossi…), puis l’ignorance « il fuoco che si smorza / per me si chiamò : l’ignoranza » (Ibid ), et le vide métaphysique « la divina indifferenza » ( « Spesso il male di vivere ho incontrato », Ossi…), et la lassitude, l’indifférence qui répond à l’incertitude permanente : « Mia vita, a te non chiedo lineamenti/ fissi, volti plausibili o possessi. Nel tuo giro inquieto ormai lo stesso/ sapore han miele e assenzio» ( « Mia vita… », Ossi…).
52 E. Levinas, Altérité et transcendance, cit., p. 37.
53 « Vento e bandiere », Ossi.
54 Le Occasioni.
55 Mais on ne peut pas dire que l’apothéose volontariste de façade de la poésie  « Riviere » qui se termine par un « rifiorire »[refleurir], n’occulte pas le froid sidéral de « Il vuoto alle mie spalle con un terrore d’ubriaco » [Le vide à mes épaules avec une terreur d’ivrogne] (« Forse un giorno », Ossi ). Il en va ainsi de ce qu’il est convenu d’appeler « l’oxymoron permanent » chez Montale. Le poète continue d’une certaine manière à privilégier le regard de tous les signes qui indiquent que « la vita che si sgretola » [la vie qui se désagrège] (« Non rifugiarti nell’ombra », Ossi), jusqu’à ce qu’il formule la question péremptoirement dans Satura : « Che mastice tiene insieme / questi quattro sassi ? » [Quel mastic fait tenir ensemble ces quatre pierres ?]
56 «Visita a Fadin », La Bufera.
57 Quaderno di quattro anni.
58 « Gli uomini che si voltano », Satura.
59 « Il dono ».
60 « Rebecca », Satura.
61 « Il primo gennaio », Satura.
62 « La vita in prosa », Poesie disperse
63  « Il Tu », Satura.
64 « Le stagioni », Satura.
65 « Si andava… », Satura.
66 « Pasqua senza weekend », Satura.
67 L’expérience négative se situe dans le droit fil de la nietzschéenne mort de Dieu dont le poète ne fait pas mystère, puisqu’il écrit une poésie qui s’intitule « La morte di Dio » ( Satura).
68 « Déconfiture non vuol dire… », Satura.
69 J. Gonin, cit., p. 204.
70 « Ho sceso dandoti il braccio… », Satura..
71 « Il terrore… », Diario del’71 e del’72.
72 « E ridicolo credere », Satura.
73 L’on ne peut ignorer à ce propos, les vers de la poésie programmatique des Ossi di seppia, « In limine » dans lesquels le poète essayait de réveiller le « pomario » dans lequel « affonda un morto / viluppo di memorie » [le verger… où s’enfonce un mort / fouillis de souvenirs].
74 « L’altro », Satura.
75 « La morte di Dio », Satura.
76 « La storia 1 », Satura
77 « La storia 2 », Satura
78 « Fanfara », Satura.
79 « Quando si giunse.. », Satura.
80 « Fine del 68 », Satura..
81 « Piove », Satura.
82 « Botta e risposta II », Satura..
83 « Fine dell’infanzia », Ossi.
84 « Botta e risposta I, 2 », Satura.
85 J. R. Searle, Déconstruction, Paris, L’Éclat, 1992, p. 24.
86 « Diafana come un velo… », Satura.
87 J. Gonin, cit. p. 269.
88 Ibid, p, 181.
89 « Ho appeso nella mia stanza… », Satura
90 « Ho appeso il dagherròtipo », Satura
91 V. Vitiello, Filosofia teoretica, cit., p. 207.
92 Les images poétiques occupent dans la poésie de Montale le rôle qui leur est dévolu dans toute poésie. Ce que nous voulons souligner ici tient à leur degré d’iconicité très faible. La représentation dans la poésie de Montale est pleinement métonymique elle agit par contiguïté, puisque les images ont du mal à subordonner le réel et à revendiquer pleinement cette identité entre les choses et leur représentation. C’est à la lumière de cette constatation que les images, les figurations du vide omniprésentes dans la poésie de Montale prennent un relief particulier.
93 « Nel vuoto », Poesie disperse.
94 Ces formes du vide sont suggérées comme étant toujours le vide de quelque chose : absence/ présence ; gouffre / montagne ; silence / bruit ; obscurité / lumière ;
95 E. Souriau, Vocabulaire d’esthétique, Paris, PUF, 1990, pp., 1387-1388.
96 « Forse un mattino », Ossi.
97 « Il balcone », Le occasioni.
98 « Nel parco di Caserta », Le occasioni.
99 « Derelitte sul poggio », Le occasioni.
100 « Dicono che la mia », Satura.
101 « Tempo e tempi II », Altri versi
102 V. Vitiello, cit., p. 206.
103 Ibid, p. 109.
104 « E tu seguissi le fragili architteture ».
105 « dicono che la mia », Satura.
106 « Divinità in incognito », Satura.
107 Satura.
108 « Il repertorio », Satura.
109 « Dicono che la mia… », Satura.
110 La Bufera e altro.
111 R. Bodei, Scomposizioni. Forme dell’individuo moderno, Torino, Einaudi, 1987, p. 217.
112 S. Fanti, cit., p. 53.
113 Ossi di seppia.
114 « Il terrore di esistere », Diario del’72 e del’73.
115 « Proteggimi », Quaderno di quattro anni
116 Quaderno di quattro anni.
117 « Poiché la vita fugge », Altri versi.
118 Poesie disperse.
119 « La synapse constitue le dispositif le plus caractéristique du vide et en même temps le prototype de sa capacité créatrice » observe S. Fanti, cit., p. 43.
120 « Soliloquio », Quaderno di quattro anni.
121 « Rimuginando », Altri versi.
122 « Tra chiaro e oscuro », Diario del’ 71 e del’72.
123 E. Levinas, Totalité et infini, op. cit. p. 109.
124 E. Lévinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, op. cit., p. 15 et p. 255.
125 « Su una lettera non scritta », La Bufera ed altro.
126 Maragall, « Il cant espiritual » Quaderno di traduzioni.
127 Satura.
128 « Che mastice tiene insieme… », Satura.
129 « Non c’è morte », Diario di quattro anni.
130 « Non c’è morte », Ibid.
131 S. Givone, La questione romantica, Laterza, Roma-Bari, 1995, p. 38
132 « Solo il divino è totale nel sorso e nella briciola.» , [« Seul le divin est total dans la gorgée et dans la miette » et il ajoute : « Solo la morte lo vince se chiedi l’ intera porzione »,[Seule la mort le vaincra si on réclame toute la portion]. « Rebecca », Satura.
133 S. Givone, Storia del nulla, Roma-Bari, Laterza, 1995, p. 66.
134 « In negativo », Quaderno di quattro anni.
135 Cela n’est pas nouveau et rappelle un des messages (« La più vera ragione è di chi tace » [la meilleure raison est celle qui se taît], « So l’ora in cui », Ossi.) que le poète a semé dès le premier recueil. Le silence étant, si l’on en croit S. Fanti, l’expression psychologique du vide ( cit. p. 53.), Montale pose alors dès le début de sa carrière poétique le silence, ici sous sa forme psychologique, comme un principe actif.
136 « La lingua di Dio », Diario del’ 71 e del 72.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Michel Cassac, « Eugenio Montale*, philosophe du Tout et de son contraire »Noesis [En ligne], 7 | 2004, mis en ligne le 15 mai 2005, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/noesis/26 ; DOI : https://doi.org/10.4000/noesis.26

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Auteur

Michel Cassac

Enseignant de littérature italienne à l’Université de Nice.

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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