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Brassaï, photographe et poète de la nuit

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Publié le , mis à jour le
Le flâneur le plus célèbre de la capitale est à l’Hôtel de Ville. Témoin des Années folles parisiennes, Brassaï redessine la ville lumière et donne à voir des lieux insolites peuplés d’êtres de la nuit. Virée nocturne.

Brassaï, Au bistrot, ca. 1930–1932 © Estate Brassaï.

Originaire de Transylvanie, où il nait en 1899, Gyulus Halasz prend le nom de Brassai dès ses débuts de photographe, en 1929. Une vocation qu’il doit en grande partie à l’année qu’il passe à Paris avec son père alors qu’il n’a que quatre ans. Une période d’enchantement qui restera à jamais gravé dans sa mémoire.

C’est en 1924 que Brassaï renoue avec Paris, après avoir étudié l’art à Berlin. Son chemin croise très vite celui de Desnos et Prévert qui l’intègrent dans le milieu brillant des artistes surréalistes et des intellectuels qui font alors la renommée de Montparnasse

Le Paris de l’enfance passée

Brassaï avait un œil particulier, « vivant » disait Henry Miller, guidé par le besoin irrépressible de recréer ces atmosphères qu’il avait connues autrefois. A travers l’objectif, Brassai reconstruit ainsi son propre Paris, un Paris inconnu, obscur, voire méprisé. Une ville enveloppée dans la nuit et la brume, où se succèdent les humbles prostituées des quartiers « chauds » ou les travailleurs des Halles. Mais c’est aussi le Paris de la fête, des clients de bistrotsdes danseuses des Folies Bergères et du music-hall. Brassaï entend redonner ses lettres de noblesse à ce que Prévert appelle « la beauté du sinistre », où l’amour du vice, du crime et de la drogue règne en maître.

Les corps humains y sont exaltés, dans le plus simple appareil, ou légèrement couverts de dentelle et de voilage. Êtres amoureux, passionnés, mélancoliques ou marqués par la vie, les modèles de Brassaï vont de l’artiste splendide au simple ivrogne sur les quais du métro, en passant par les mystérieuses créatures des fêtes foraines et du cirque et les diseuses d’aventure. Une fascination pour ces héros de l’amusement qui envoûte littéralement l’artiste.

Les murs de Paris comme galerie d’art

Brassaï, Masques et visages 1930–1950 © Estate Brassaï.

De ses promenades exploratoires, il tire également la découverte sur les murs décrépis de la capitale des graffitis qu’il cherche à faire sortir de l’ombre, soigneusement archivés dans un petit carnet sur lequel il note leur adresse afin de revenir plus tard et les photographier dans les meilleures conditions possibles. À ses yeux, il s’agit là d’un « art des humbles dépourvus de culture et d’éducation artistique, réduits à créer tout de leur propre fond, à tout réinventer de leur propre impulsion. Un art que l’on ignore et qui s’ignore. ».

Patiemment prélevés, les graffitis sont restitués à chaque créateur anonyme en un mur aléatoire où le support (tapisserie pour la plupart du temps), donne un caractère majestueux à cet art des bas fonds. Picasso dit d’ailleurs à Brassaï :  « Vous avez eu vraiment une très heureuse idée de constituer cette collection, car sans la photo le graffiti existe, mais comme s’il n’existait pas. Sans la photo, ils seraient voués à la destruction ».

Un hommage à la capitale

Brassaï, Hôtel Boulevard de Clichy, ca. 1930–1932 © Estate Brassaï

Mais Brassaï est aussi un photographe du moment, redonnant vie à des endroits inanimés, comme les jardins publics ou encore les vitrines des Grands Boulevards. Il réalise une ode à l’élégance de l’architecture parisienne, montrant toute la luminosité de cette ville en la prenant telle qu’elle est une fois la pénombre tombée. Il capte ainsi l’esprit de chaque quartier, sans détails superflus, car si « tout peut devenir banal, tout peut redevenir merveilleux ».

Car Brassai veut étonner « avec les choses devenues banales et que l’on ne voit plus » et se fait dès lors « pillard de beautés de toutes sortes ». Ainsi les chaises du Luxembourg sous la neige ou encore les sacs de sable à la Concorde deviennent des accessoires de poésie. « J’étais à la recherche de la poésie du brouillard qui transforme les choses, de la poésie de la nuit qui transforme la ville, de la poésie du temps qui transforme les êtres… », écrit-il.

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